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01/08/2016

Mexique : voyage en pays totonaque.

S'écarter du classique duo plage-sites archéologiques, et partir à la découverte du Mexique “profond“, à la rencontre des habitants, de leur réalité quotidienne, et de petits endroits peu explorés par les touristes. Carnet de route dans l'Etat de Veracruz, l'une des destinations de ces voyages, dans la Sierra du café.

Cempoala, site totonaque

C'est un jour vraiment chaud et vraiment humide comme tous les jours, dirait-on, dans ce coin du Mexique. A une heure de Veracruz, au sud-est du pays, nous voici rendus plusieurs siècles en arrière, dans le site archéologique totonaque de Cempoala.

Plus d'un millénaire avant que les Espagnols ne s'emparent de cette terre au XVème siècle, avant que le conquistador Hernán Cortés ne prenne langue avec les Indiens dans cette région, Cempoala était une ville amérindienne prospère et un grand centre religieux, avec ses pyramides de pierres au langage codé.

Ces pierres-là proviennent de la rivière voisine, un fait rare pour ces constructions, nous dit Edgar, l'homme indien d'aujourd'hui, au bras tatoué, qui possède le savoir de ses ancêtres pour l'avoir longuement étudié.

Au beau milieu de ces vestiges de pierres, Edgar nous invite à un rituel totonaque. Quittons un instant ce monde bousculé pour renouer avec le passé et les esprits de cette civilisation lointaine, qui, selon Edgar, nous insuffleront une bonne énergie. On se place donc en cercle autour d'un socle de pierre et chacun reçoit dans les narines une pincée de poudre de tabac et une autre de feuilles de coca moulues, avant de se recueillir les yeux fermés et d'invoquer les anciens. Edgar conclut la cérémonie avec une offrande de fleurs et de fruits.

Ainsi ragaillardis, nous profitons de l'ombre d'un arbre majestueux, le sapote domingo, une sorte de pommier mexicain dont la dimension prend des proportions tropicales, à savoir géantes. Cet arbre inoubliable donne des fruits tout aussi généreux, que nous goûterons plus tard, sur le marché d'Antigua au bord d'une rivière tranquille où des ados plongent
avec délices à la recherche d'un hypothétique trésor.

La Sierra du Café

Lors de ce petit périple, nous partons à la découverte des énergies de cette région de sept millions d'habitants. Il y a, bien sûr, l'énergie du pétrole et du gaz que la nature a offert à ce coin, procurant de l'activité et suscitant aussi de forts appétits politiques pas toujours au service de la collectivité. Ce n'est pas tout : cet Etat du sud du Mexique possède aussi une terre riche et une production agricole diversifiée, des fruits au café, des légumes au tabac et à la canne à sucre.

C'est dans les collines luxuriantes que nous poursuivons le voyage, au coeur d'un paysage ponctué de bananiers, d'agrumes, de champs de canne et de forêts que des paysans
entretiennent à la machette.

Peu de touristes ont encore eu la chance de découvrir l'énergie des petites gens, criollos (descendants de colons espagnols) ou Indiens métissés, qui tentent de vivre décemment de leur terre en cultivant du café, et de diversifier leurs revenus grâce aux visites des touristes.

L'hacienda d'Irene Tress Villafuerte, une noble demeure coloniale en rectangle qui dessert un large patio-jardin, cultive ainsi le café depuis des générations, à l'écart du bourg d'Amatlán de los Reyes. Trois siècles d'histoire pèsent sur ce lieu, dont on raconte qu'il fut d'abord, nous dit Irena, l'un des endroits où les esclaves africains débarqués au port de Veracruz étaient “triés“ avant d'être vendus. Mais Irene n'est pas la riche descendante d'une dynastie de colons producteurs de café, même si, explique-t-elle, on cultivait dans cette hacienda de Nuestra Señora de Guadalupe quelque 4000 hectares de café au XVII è siècle. Irene tient cette plantation, aujourd'hui circonscrite à 70 hectares, d'un ingénieur britannique qui l'a cédée à sa famille avec un prêt remboursable à tempérament, à la condition, avait-il exigé, que les cultures de café soient relancées. Irene est donc loin d'être riche, mais elle et son équipe ne manquent pas de courage. Des travaux ont été lancés pour accueillir à demeure des étrangers désireux de goûter la vie de la Sierra du café. Piscine somptueuse dans un jardin luxuriant, chambres d'hôte et rénovation de la demeure : Irene met toutes ses forces dans une bataille pour le tourisme à la ferme. Face à la piscine, sa collection de cafés joliment empaquetés, de bonbons et autres sucreries ou d'articles divers à base de café a connu la patte d'un conseil en marketing.

A table, ses hôtes savourent une cuisine locale solide et savoureuse issue des produits frais de la ferme et concoctés par une adorable chola (métisse amérindienne). Dans les champs de café d'Irene, une jungle humide de bananiers le dispute aux arbustes de café. Rien à voir avec l'alignement au cordeau des champs d'agave vus dans une autre région du pays, et qui servent à produire la fameuse tequila. Les bananiers procurent aux plants de café une ombre bienfaitrice. Comme celle que nous cherchons, haletants sous une chaleur moite. L'intendant nous explique le processus depuis la graine germée jusqu'à la lutte contre les nuisibles. Et ceux-ci sont dévastateurs : les champignons comme la rouille du caféier sont capables de détruire toute une récolte, et ces dernières années ont été difficiles. Pour éradiquer ce fléau, rien d'autre à faire que de recourir à de nouvelles espèces, plus résistantes. En ce moment, ces plants plus robustes viennent du Costa Rica. En saison de récolte, en octobre, la plantation recrute 200 femmes pour collecter les grains rouges. Des femmes car “elles sont plus délicates“, précise notre hôte. Dans la nurserie de la plantation, de petits plants en motte commencent à sortir de fines feuilles vertes. Notre futur café d'ici à cinq ans : il faut tout ce temps pour que l'arbuste adulte donne des graines pour la prochaine génération.

Sur le chemin du retour, un train passe sur la voie ferrée. Il est rempli de migrants en provenance d'Amérique centrale et d'Argentine, qui tenteront de passer aux Etats- Unis. Ils s'entassent jusque sur le toit des wagons. L'Amérique latine reste une terre que l'on fuit, pour la misère ou pour la violence. Mais pas ici, semble-t-il, et c'est un bonheur que de voir ces habitants contents de vivre avec leur petit peu. Dans leur aventure, ces migrants ont ici la chance d'avoir des “patronas“, des habitantes qui s'occupent de leur donner à manger et à boire.

Une vie près du volcan

A Córdoba, une ville sans grande beauté entourée d'un cirque de montagnes qui culminent à 2100 m, le musée du café (Museo del café) est tout neuf et parfaitement réussi. Design et vieilles pierres se marient pour offrir un écrin aux modules pédagogiques sur l'histoire et la culture du café, et au bar où un jeune ingénieur reconverti en barista de café fait tester aux visiteurs les différentes façons de préparer le breuvage, de l'espresso à l'alambic aux allures biscornues.

Tant pis pour ceux qui n'apprécient pas cette boisson, car plusieurs bars à café classieux se sont fraîchement installés dans cette ville qui mise sur le développement de cette filière touristique et industrielle. Quatre cents municipalités de la région se sont regroupées pour relancer la production caféière, avec le soutien du gouvernement, et ont lancé de nouvelles plantations avec des espèces plus robustes pour éviter la “roya“ (la rouille). Mais ce soir, c'est aussi la fête dans cette ville qui a, par le passé, vu un événement extraordinaire se dérouler : c'est ici que l'indépendance du Mexique a été signée le 21 mai 1821, après plus de dix ans de guerre entre les Espagnols et les créoles (Espagnols nés au Mexique). Ce soir, c'est meeting politique sur le zócalo, l'immense place du centre-ville, et l'on ne s'entend plus sur les balcons de style colonial du restaurant qui domine cette place noire de monde.

Des élections au gouvernorat se préparent, et la lutte est rude. Comme en France, la politique divise ici avec passion. Mais les gens viennent aussi en famille pour déambuler après la tombée du jour et offrir une glace aux enfants. Avec une vue panoramique sur les édifices style 18è du zócalo, nous dégustons les délicieuses crevettes à la sauce (très) piquante qui honorent la réputation de ce restaurant Los Portales, somptueux bâtiment colonial où fut signé le traité d'Indépendance. Il faudrait presque une petite laine en cette journée à la montagne qui nous fera grimper jusqu'à 2300 m d'altitude, jusque là où s'arrête l'unique route pratiquable.

Incroyable mais vrai : la chaleur collante de la vallée laisse place à une ambiance presque alpine avec un fond d'air frais et des épicéas géants. Nous sommes dans le massif montagneux de cet Etat de Veracruz et une surprise nous attend : la pointe aiguë d'un volcan enneigé nous fait de l'oeil dans le fond du paysage. C'est le pic d'Orizaba, qui se dresse à 5675 mètres à la limite entre l'Etat de Veracruz et celui de Puebla. Malgré ses neiges spectaculaires, c'est un volcan actif et sa dernière éruption remonte à 1846.

La “comunidad“ de San Bartolo, un petit village aux masures multicolores perché à 1200 d'altitude, nous a préparé un repas pantagruélique. Cette communauté de 72 habitants, modeste et gaie, où les enfants tapis dans les jupes de leurs mères lancent des regards faussement effarouchés aux étrangers, a décidé de se mettre complètement au café bio. Il y a 20 ans seulement que l'électricité a été installée au village, grâce à un maire qui s'est occupé de ces communes isolées. Il a créé des écoles, ouvert des routes et aujourd'hui, il est à nouveau maire de Córdoba.

Sur le sol nappé d'une grande toile, un tapis de grains de café sèche au soleil, en attente du mortier qui les broiera. Ces grains sont à l'état de café parche : on les a laissé fermenter après avoir retiré leur coque rouge. Les femmes fabriquent de petits bijoux et des objets artisanaux avec les grains de café, et nous convient à faire nousmêmes nos galettes de maïs dans le four chauffé au bois. Mais elles ont déjà pourvu à tout : aux jus de fruits et au café, aux haricots cuisinés accompagnés de charcuterie.

Dans la forêt, les hommes à la machette, eux, nous montrent les grains encore verts de leurs parcelles. Eux aussi ont fort à faire avec la “roya“. Par bonheur, leur filière bio de café est soutenue par un programme de développement durable de l'Etat de Veracruz. Ils ne sont pas seuls et avec un peu de patience, ils hébergeront peut-être dans les années à venir, dans une nouvelle construction, quelques touristes désireux de partager leur quotidien et de faire une halte dans ces montagnes tropicales où la journée s'écoule en paix face au volcan Orizaba.

A Coscomatepec, un gros bourg où l'on respire à 1500 m d'altitude, de vieux métiers sont toujours à l'honneur. Comme le tisserand de laine, qui vit chichement de son art mais travaille son matériau du cardage au tissage, comme autrefois, et réalise de beaux tapis de laine crue aux motifs colorés. Ou encore comme le sellier, qui vend ses selles en cuir gravées à la main à un prix défiant toute concurrence.

Avec son nom indien, Coscomatepec nous emmène à nouveau sur la piste des Totonaques qui ont fondé cette cité en 1300, sans doute séduits par l'impressionnant pic de Orizaba et la fertilité de la terre. Aujourd'hui encore, l'activité agricole et notamment la culture du maïs règle la vie des habitants, sous un climat contrasté : la température peut descendre en-dessous de zéro l'hiver et grimper à 39 l'été.

Veracruz ou la vraie croix

Le soir venu, les Veracruzanos aiment à flâner le long du port de leur ville, l'un des plus importants du Mexique. Peut-être pour s'imaginer sillonnant les autoroutes de cette lointaine Europe au volant d'une de ces Renault que l'on aperçoit, bien alignées sur un immense terre-plein dans l'enceinte portuaire, prêtes à partir pour l'Europe. Car le Mexique abrite quantité d'usines Renault, et les Twingo ou Clio de notre quotidien proviennent souvent de ce pays. Peut-être songent-ils aussi, apercevant le fort Saint-Jean tout seul sur sa petite île à faible distance de la côte, à cette époque où les colons espagnols construisirent cette forteresse en 1565, ou encore à ce jour de mai 1864 où un noble autrichien, Maximilien 1er, débarqua d'Europe à Veracruz pour devenir empereur du Mexique, à son corps défendant.

Le nom de Veracruz mérite à lui seul qu'on s'y attarde : peu après l'arrivée de l'Espagnol Hernán Cortés, en 1519, les premières pierres sont posées et la ville en devenir
est baptisée “La riche ville de la véritable croix“ (Villa rica de la Vera Cruz). Riche parce que les Amérindiens locaux accueillirent avec faste le colon ; et véritable croix parce que le débarquement avait eu lieu le Vendredi saint.

A Veracruz, on peut encore trouver une rue essentielle si quelqu'un veut bien vous la montrer : le calle jón Toña la Negra (Toña la Noire) dans le quartier de la Huaca où se regroupèrent des esclaves noirs, construisant leurs maisons en bois avec, dit-on, des débris de navires naufragés. Aujourd'hui encore, les jarochos, descendants d'esclaves métissés, occupent cette ruelle aux maisons colorées, actuellement en réhabilitation.

Aujourd'hui, Veracruz et sa très longue côte bordée de plages qui deviennent rapidement fréquentables dès qu'on s'éloigne de son centre est une ville industrieuse, hérissée de tours et d'immeubles hétéroclites comme signature de sa modernité. Mais le coeur battant de l'histoire demeure dans son petit centre historique, autour de son zócalo (place centrale) bordé de nobles bâtiments néo-classiques et de quelques maisons en bois de ses tout débuts. C'est tout de même ici, sur le zócalo, que s'agglutinent les Veracruzanos pour, le soir venu, essayer de prendre le frais. C'est ici que la fête populaire se joue, avec des orchestres de mariachis ou de marimba, avec des bals latino où dansent toutes les générations.

Et c'est ici que le touriste, un énergumène somme toute encore exotique dans le coin, un spécimen que l'on voit habituellement agrippé à son hôtel en bord de plage, finit par se fondre dans l'oubli avec les habitants, jusque tard dans la nuit chaude.

Texte : Sabine Grandadam
Photos : Edgar Gonzales, Eleanor Hawkins et Totonal
Remerciements : Totonal
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